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LES MILLE ET UN JOURS

richesses manquaient de santé, ou avaient quelque autre sujet d’aflliction. Bedreddin, malgré tout cela, ne pouvait pas perdre l’espérance de rencontrer quelque homme content : « Pourvu que j’en trouve un, disait-il au vizir, je n’en demande pas davantage, car vous soutenez qu’il n’y en a point. — Oui, sire, répondit Alalmuc, je le soutiens, et Votre Majesté fait une recherche inutile. — Je n’en suis pas encore persuadé, reprit le roi, et il me vient dans l’esprit un moyen de savoir bientôt ce que je dois penser là-dessus. » En même temps il ordonna de faire publier dans la ville que tous ceux qui étaient satisfaits de leur destin, et dont le repos n’était troublé par aucun déplaisir, eussent à paraître dans trois jours devant son trône. Ce temps expiré, personne ne parut à la cour : il semblait que tous les habitants fussent de concert avec le vizir Atalmuc.

LXXXIII

Lorsque le roi de Damas vit qu’aucun homme ne se présentait, il en fut fort étonné : « Cela n’est pas concevable ! s’écria-t-il. Est-il possible que dans Damas, dans une ville si grande et si peuplée, il ne se trouve pas un homme heureux ? — Sire, lui dit Atalmuc, si vous interrogiez tous les peuples de la terre, ils vous diraient qu’ils sont malheureux. Vous seul peut-être ne souffrez point, car vous paraissez ne point connaître l’amour.

— Vous êtes dans une grande erreur, dit alors Bedreddin, de croire que je ne suis point amoureux,