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CONTES ORIENTAUX

Atalmuc obéit : il amena d’abord les généraux. Le roi leur commanda de dire hardiment si quelque chagrin secret empoisonnait la douceur de leur vie, en les assurant que cet aveu ne tirerait point à conséquence. Aussitôt ils dirent tous qu’ils avaient leurs déplaisirs, qu’ils n’avaient point l’esprit tranquille. L’un confessait qu’il avait trop d’ambition, l’autre trop d’avarice ; un autre avouait qu’il était jaloux de la gloire que ses égaux avaient acquise, et se plaignait de ce que le peuple ne rendait pas justice à son habileté dans l’art de la guerre. Enfin les généraux ayant découvert le fond de leur âme, et Bedreddin voyant qu’aucun n’était heureux, dit à son vizir que le jour suivant il voulait entendre parler tous ses courtisans.

En effet, ils furent interrogés tour à tour. On n’en trouva pas un seul qui fût content : « Je vois, disait celui-ci, diminuer mon crédit tous les jours ; on traverse mes desseins, disait celui-là, et je ne puis parvenir à ce que je souhaite. Il faut, disait un autre, que je ménage mes ennemis et que je m’étudie à leur plaire. Un autre disait qu’il avait dépensé tout son bien, et même épuisé toutes ses ressources.

Le roi de Damas ne trouvant point parmi ses courtisans, non plus qu’entre ses généraux, l’homme qu’il cherchait, crut qu’il pourrait être parmi les officiers de sa maison. Il eut la patience de leur parler en particulier, et ils lui firent la même réponse que les courtisans et les généraux, c’est-à-dire, qu’ils n’étaient point exempts dechagnn. L’un se plaignait de sa femme, l’autre de ses enfants ; ceux qui n’étaient pas riches disaient que la misère faisait leur infortune ; et ceux qui possédaient des