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LES MILLE ET UN JOURS

Je parais fort content de ma condition, mais ce sont de fausses apparences. Je ne puis oublier le bonheur dont jai autrefois joui. Schirine vient s’offrir sans cesse à mon esprit : je voudrais pour mon repos la bannir de ma mémoire ; j’y fais même tous mes efforts, et cet emploi, qui n’est pas moins inutile que pénible, me rend très malheureux.

« Voilà, sire, ajouta Malek, ce que Votre Majesté m’a ordonné de lui dire. Je sais bien que vous n’approuverez point la tromperie que j’ai faite au roi de Gazna et à la princesse Schirine ; je me suis même aperçu plus d’une fois que mon récit vous a révolté, et que votre vertu a frémi de ma sacrilège audace. Mais songez, de grâce, que vous avez exigé de moi que je fusse sincère, et daignez pardonner l’aveu de mes aventures à la nécessité de vous obéir. »

SUITE DE L’HISTOIRE DU ROI BEDREDDIN ET DE SON VIZIR

Le roi de Damas renvoya le tisserand après avoir entendu son histoire. Ensuite il dit au vizir : « Les aventures que cet homme vient de nous raconter ne sont pas moins surprenantes que les vôtres. Mais quoiqu’il ne se trouve pas plus heureux que vous, ne vous imaginez point que je me rende encore, et que je puisse conclure de là que personne au monde ne jouit d’une félicité parfaite. Je veux interroger mes généraux, mes courtisans, et tous les officiers de ma maison. Allez, vizir, ajouta-t-il, faites-les-moi venir ici l’un après l’autre. »