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LES MILLE ET UN JOURS

épouvantée en voyant pleuvoir des pierres dans son camp. Bahaman, de son côté, me répéta ce que Cacem lui avait dit, et ensuite il se retira pour nous laisser en liberté, Schirine et moi. Cette princesse, qui n’était pas moins sensible que le roi son père à l’important service que j’avais rendu à l’État, m’en témoigna aussi beaucoup de reconnaissance et me fit mille caresses. Je pensai, pour le coup, m’oublier : le jour allait paraître lorsque je regagnai mon coffre ; mais je passais si bien alors pour Mahomet dans l’esprit de tout le monde, que les soldats m’auraient vu en l’air, qu’ils n’auraient pas été désabusés : peu s’en fallut que je ne crusse moi-même être le prophète, après avoir mis une armée en déroute.

Deux jours après qu’on eut enterré Cacem, à qui, quoique ennemi, l’on ne laissa pas de faire de superbes funérailles, le roi de Gazna ordonna qu’on fît des réjouissances dans la ville, tant pour la défaite des troupes ennemies que pour célébrer solennellement le mariage de la princesse Schirine avec Mahomet. Je m’imaginai que je devais signaler par quelque prodige une fête qui se faisait à mon honneur. Pour cet effet, j’achetai dans Gazna de la poix blanche, avec de la graine de coton et un petit fusil à faire du feu ; je passai ma journée dans le bois à préparer un feu d’artifice ; je trempai la graine de coton dans la poix, et la nuit, pendant que le peuple se réjouissait dans les rues, je me transportai au-dessus de la ville ; je m’élevai le plus haut qu’il me fut possible, afin qu’à la lueur de mon feu d’artifice on ne pût pas bien distinguer ma machine : alors j’allumai du feu, et j’enflammai la poix, qui fit avec la graine un fort bel artifice ; ensuite je me sauvai dans mon bois. Le jour ayant paru peu de temps après, j’allai dans la