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CONTES ORIENTAUX

Bahaman cessa de poursuivre les ennemis et revint à Gazna avec Cacem, qui mourut de sa blessure le jour même. On partagea le butin, qui fut considérable, et les soldats s’en retournèrent chez eux chargés de richesses. On fit des prières dans toutes les mosquées pour remercier le ciel d’avoir confondu les ennemis de l’État ; et lorsque la nuit fut arrivée, le roi se rendit sans suite au palais de la princesse : « Ma fille, lui dit-il, je viens rendre au prophète les grâces que je lui dois. Vous avez appris par le courrier que je vous ai envoyé tout ce que Mahomet a fait pour nous ; j’en suis si pénétré, que je meurs d’impatience d’embrasser ses genoux. »

Il eut bientôt la satisfaction qu’il souhaitait : j’entrai par la fenêtre ordinaire dans l’appartement de Schirine, où je m’attendais bien qu’il serait. Il se jeta d’abord à mes pieds et baisa la terre en disant : « Ô grand prophète ! il n’y a point de termes qui puissent vous exprimer tout ce que je ressens. Lisez vous-même dans mon cœur toute ma reconnaissance. » Je relevai Bahaman et le baisai au front. « Prince, lui dis-je, avez-vous pu penser que je vous refuserais mon secours dans l’embarras où vous étiez pour l’amour de moi : j’ai puni l’orgueilleux Cacem, qui avait dessein de se rendre maître de vos États, et d’enlever Schirine pour la mettre parmi les esclaves de son sérail. Ne craignez plus désormais qu’aucun potentat du monde ose vous faire la guerre. Si quelqu’un avait la hardiesse de venir vous attaquer, je ferais tomber sur ses troupes une pluie de feu qui les réduirait en cendres. »

Après avoir de nouveau assuré le roi de Gazna que je prenais son royaume sous ma protection, je lui contai comme l’armée ennemie avait été