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CONTES ORIENTAUX

fort difficile d’intéresser le prophète dans notre parti ; il dissipera bientôt les troupes ennemies, et tous les rois du monde apprendront, aux dépens de Cacem, à vous respecter. — Cependant, reprit le roi, la nuit s’avance et le prophète ne paraît point : nous aurait-il abandonnés ? — Non, mon père, repartit Schirine, ne croyez pas qu’il puisse nous manquer au besoin. Il voit du ciel où il est l’armée qui nous assiège, et peut-être est-il prêt à y mettre le désordre et l’effroi. »

C’était en effet ce que Mahomet avait envie de faire. J’avais, pendant la journée, observé de loin les troupes de Cacem ; j’en avais remarqué la disposition, et j’avais pris garde surtout au quartier du roi. Je ramassai de gros et de petits cailloux ; j’en remplis mon coffre, et au milieu de la nuit je m’élevai en l’air. Je m’avançai vers les tentes de Cacem ; je démêlai sans peine celle où reposait ce roi. C’était un pavillon fort haut, bien doré, fait en forme de dôme, et que soutenaient douze colonnes de bois peint, enfoncées dans la terre. Les intervalles des colonnes étaient fermées de branches de diverses sortes d’arbres entrelacées. Vers le chapiteau, il y avait deux fenêtres, l’une à l’orient et l’autre au midi.

Tous les soldats qui étaient autour de la tente dormaient ; ce qui me donna lieu de descendre jusqu’à une des fenêtres sans être aperçu. Je vis le roi couché sur un sopha, la tête appuyée sur un carreau de satin. Je sortis à moitié de mon coffre, et jetant un gros caillou à Cacem, je le frappai au front et le blessai dangereusement. Il fit un cri qui réveilla bientôt ses gardes et ses officiers. On accourt à ce prince, on le trouve couvert de sang et presque sans connaissance. On crie : l’alarme se met au quartier ; chacun demande ce que c’est. Le bruit court qu’on a blessé le roi ; on