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LES MILLE ET UN JOURS

Je le relevai encore, je l’embrassai et l’assurai de ma protection. Il ne pouvait trouver de termes assez forts à son gré pour m’en remercier. Après cela, croyant qu’il était de la bienséance de me laisser avec sa fille, il se retira dans une autre chambre.

Je demeurai avec Schirine pendant quelques heures ; mais quelque plaisir que je prisse à son entretien, j’étais attentif au temps qui s’écoulait ; je craignais que le jour ne me surprît et qu’on n’aperçût mon coffre sur le toit, c’est pourquoi je sortis sur la fin de la nuit et regagnai le bois.

Le lendemain matin, les vizirs et les courtisans se rendirent au palais de la princesse. Ils demandèrent au roi s’il était éclairci de ce qu’il voulait savoir. « Oui, leur dit-il, je sais à quoi m’en tenir : j’ai vu le grand prophète lui-même et je lui ai parlé. Il est l’époux de ma fille, rien n’est plus véritable. » À ce discours, les vizirs et les courtisans se retournèrent vers celui qui s’était révolté contre la possibilité de ce mariage et lui reprochèrent son incrédulité ; mais ils le trouvèrent ferme dans son opinion ; il la soutint avec opiniâtreté, quelque chose que le roi pût dire pour lui persuader que Mahomet avait épousé Schirine. Peu s’en fallut que Bahaman ne se mît en colère contre cet incrédule, qui devint la fable du conseil.

Un nouvel incident qui survint le même jour acheva d’affermir les vizirs dans leur opinion. Comme ils s’en retournaient à la ville avec leur maître, un orage les surprit dans la plaine. Leurs yeux furent ftappés de mille éclairs, et le tonnerre se fit entendre d’une manière si terrible qu’il semblait que ce jour-là dût être le dernier du monde. Il