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CONTES ORIENTAUX

que parce qu’il ouvrait ses portes pour laisser sortir le prophète.

Dans la disposition où était l’esprit du roi, je pouvais me présenter impunément devant ce prince. Aussi, loin de se montrer furieux lorsque je parus à la fenêtre, il fut saisi de respect et de crainte ; il laissa tomber son sabre, et se prosternant à mes pieds, il les baisa et me dit : « Ô grand prophète ! qui suis-je, et qu’ai-je fait pour mériter l’honneur d’être votre beau-père ? » Je jugeai par ces paroles de ce qui s’était passé entre le roi et la princesse, et je connus que le bon Bahaman n’était pas plus difficile à tromper que sa fille. Je fus ravi d’apprendre que je n’avais pas affaire à un de ces esprits forts qui auraient fait subir au prophète un examen embarrassant, et profitant de sa faiblesse : « Ô roi ! lui dis-je en le relevant, vous êtes, de tous les princes musulmans, le plus attaché à ma secte, et par conséquent celui qui me doit être le plus agréable. Il était écrit sur la table que votre fille serait séduite par un homme, ce que vos astroloques ont fort bien découvert par les lumières de l’astrologie ; mais j’ai prié le Très-Haut de vous épargner ce déplaisir mortel, et d’ôter ce malheur de la prédestination des humains ; ce qu’il a bien voulu faire pour l’amour de moi, à condition que Schirine deviendrait une de mes femmes. À quoi j’ai consenti pour vous récompenser des bonnes actions que vous faites tous les jours. »

Le roi Bahaman n’était point en état de se détromper. Ce faible prince crut tout ce que je lui dis, et, charmé de faire alliance avec le grand prophète, il se jeta une seconde fois à mes pieds pour me témoigner le ressentiment qu’il avait de mes bontés.