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LES MILLE ET UN JOURS

dit-il, je veux demeurer seul cette nuit dans ce château avec ma fille. Allez, et revenez demain me joindre ici. » Ils regagnèrent la ville, et Bahaman se mit à faire de nouvelles questions à la princesse en attendant la nuit ; il lui demanda si j’avais mangé avec elle. « Non, seigneur, lui dit sa fille ; je lui ai vainement présenté des viandes et des liqueurs, il n’en a pas voulu, et je ne lui ai vu prendre aucune nourriture depuis qu’il vient ici. — Racontez-moi encore cette aventure, répliqua-t-il, et ne m’en celez aucune particularité. » Schirine lui en fit un nouveau détail, et le roi attentif à son récit en pesait toutes les circonstances.

LXXX

Cependant la nuit arriva. Bahaman s’assit sur un sofa et fit allumer des bougies, qu’on mit devant lui sur une table de marbre. Il tira son sabre pour s’en servir s’il était nécessaire, et laver dans le sang l’affront fait à son honneur. Il m’attendait à tous moments, et dans l’attente où il était de me voir paraître tout à coup, je ne crois pas qu’il fût sans agitation.

Cette nuit-là, par hasard, l’air était fort enflammé. Un long éclair frappa les yeux du roi et le fit tressaillir : il s’approcha de la fenêtre par où Schirine lui avait dit que je devais entrer, et apercevant l’air tout en feu, son imagination se troubla, quoiqu’il ne vit rien que de fort naturel. Il ne regarda point ces météores comme des effets de quelques exhalaisons qui s’enflammaient dans l’air, il aima mieux croire que ces feux ardents annonçaient à la terre la descente de Mahomet, et que le ciel n’était si lumineux,