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CONTES ORIENTAUX

nous annonce le trouble qui paraît dans vos yeux ? » Le roi leur conta tout ce qu’il avait appris, et leur demanda ce qu’ils pensaient de cette aventure. Le grand vizir parla le premier. Il dit que ce prétendu mariage pouvait être vrai, bien qu’il eût tout l’air d’une fable ; qu’il y avait dans le monde de puissantes maisons qui ne faisaient nulle difficulté d’attribuer leur origine à de pareils événements, et que pour lui il regardait comme une chose très possible le commerce que la princesse disait avoir avec Mahomet.

Les autres vizirs, par complaisance peut-être pour celui qui venait de parler, furent tous de son sentiment ; mais un courtisan s’élevant contre cette opinion, la combattit dans ses termes : « Je suis surpris de voir des gens sensés donner créance à un rapport si peu digne de foi. Des personnes sages peuvent-elles penser que notre grand prophète soit capable de venir chercher des femmes sur la terre, lui qui dans le séjour céleste est environné des plus belles houris ? Cela choque le sens commun, et si le roi veut m’en croire, au lieu de se prêter à un conte ridicule, il approfondira cette affaire ; je suis persuadé qu’il découvrira bientôt le fourbe qui, sous un nom sacré, a eu l’audace de séduire la princesse. »

Quoique Bahaman fût naturellement assez crédule, qu’il tînt son premier ministre pour un homme de grand jugement, et qu’il vît même que tout ses vizirs croyaient Schirine effectivement mariée avec Mahomet, il ne laissa pas d’être pour la négative. Il résolut de s’éclaircir de la vérité ; mais voulant faire les choses prudemment et tâcher de parler lui-même sans témoins au prétendu prophète, il renvoya ses vizirs et ses courtisans à Gazna. « Retirez-vous, leur