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LES MILLE ET UN JOURS

que je lui disais ; car quand on est prévenu en faveur de quelqu’un, on ne soupçonne point sa sincérité.

Au bout de quelques jours, le roi de Gazna, suivi de ses officiers, se rendit au palais de la princesse sa fille ; et trouvant les portes bien fermées et son cachet sur les serrures, il dit à ses vizirs qui l’accompagnaient : « Tout va le mieux du monde. Pendant que les portes de ce palais seront dans cet état, je crains peu le malheur dont ma fille est menacée. » Il monta seul à l’appartement de Schirine, qui ne put s’empêcher de se troubler à sa vue. Il s’en aperçut et en voulut savoir la cause. Sa curiosité augmenta le trouble de la princesse, qui, se voyant enfin obligée de le satisfaire, lui conta tout ce qui s’était passé.

Votre Majesté, sire, peut s’imaginer quelle fut la surprise du roi Bahaman, lorsqu’il apprit qu’il était, sans le savoir, beau-père de Mahomet. « Ah ! quelle absurdité, s’écria-t-il ; ah ! ma fille, que vous êtes crédule ! Ô ciel ! je vois bien présentement qu’il est inutile de vouloir éviter les malheurs que tu nous réserves : l’horoscope de Schirine est rempli, un traître l’a séduite ! » En disant cela, il sortit avec beaucoup d’agitation de l’appartement de la princesse, et visita le palais du haut jusqu’en bas. Mais il eut beau chercher partout, il ne découvrit aucune trace du suborneur ; son étonnement en redoubla. « Par où, disait-il, l’audacieux a-t-il pu entrer dans ce château ? C’est ce que je ne puis concevoir. »

Alors il appela ses vizirs et ses confidents : ils accoururent à sa voix, et le voyant fort ému, ils en furent effrayés. « Qu’y a-t-il, sire, lui dit son premier ministre, vous paraissez inquiet, agité ? Quel malheur