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CONTES ORIENTAUX

Je demeurai toute la journée dans le bois, où je m’occupai à me parer et à me parfumer. Dès que la nuit fut venue, j’entrai dans le coffre et me rendis sur le toit du palais de Schirine. Je m’introduisis dans son appartement comme la nuit précédente. Cette princesse me témoigna qu’elle m’attendait avec beaucoup d’impatience : « Ô grand prophète ! me dit-elle, je commençais à m’inquiéter, et je craignais que vous n’eussiez déjà oublié votre épouse. — Ah ! ma chère princesse, lui répondis-je, pouvez-vous écouter cette crainte : puisque vous avez reçu ma foi, ne devez-vous pas être persuadée que je vous aimerai toujours ? Mais apprenez-moi, reprit-elle, pourquoi vous avez l’air si jeune ? Je m’imaginais que le prophète Mahomet était un vénérable vieillard. — Vous ne vous trompez pas, lui dis-je ; c’est l’idée qu’on doit avoir de moi ; et si je paraissais devant vous tel que j’apparais quelquefois aux fidèles, à qui je veux bien faire cet honneur, vous me verriez une longue barbe blanche avec une tête des plus chauves ; mais il m’a semblé que vous aimeriez mieux une figure moins surannée : c’est pourquoi j’ai emprunté la forme d’un jeune homme. » La gouvernante, se mêlant alors à notre entretien, me dit que j’avais fort bien fait, et que quand on voulait faire le personnage d’un mari, on ne pouvait être trop agréable.

Je sortis encore du château sur la fin de la nuit de peur qu’on ne découvrit que j’étais un faux prophète. J’y retournai le lendemain, et je me conduisis toujours si adroitement que Schirine et Mahpeïker ne soupçonnèrent pas seulement qu’il pût y avoir là-dedans de la tromperie : il est vrai que la princesse prit insensiblement tant de goût pour moi que cela ne contribua pas peu à lui faire croire tout ce