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LES MILLE ET UN JOURS

désormais comme lui l’esprit en repos sur votre destinée, qui ne saurait être que pleine de gloire et de bonheur, puisque vous serez l’épouse de Mahomet. D’abord que la nouvelle de votre mariage se sera répandue dans le monde, tous les rois craindront le beau-père du grand prophète, et toutes les princesses envieront votre sort. »

LXXIX

Schirine et la gouvernante se regardèrent à ce discours, comme pour se consulter sur ce qu’elles en devaient penser : j’avais lieu de craindre, je l’avoue, qu’il ne trouvât peu de créance dans leurs esprits ; mais les femmes donnent volontiers dans le merveilleux. Mahpeïker et sa maîtresse ajoutèrent foi à ma fable : elle me crurent Mahomet, et j’abusai de leur crédulité. Après avoir passé la meilleure partie de la nuit avec la princesse de Gazna, je sortis de son appartement avant le jour, non sans lui promettre de revenir le lendemain. Je regagnai au plus vite ma machine, je me mis dedans, et m’élevai fort haut pour n’être point aperçu des soldats. J’allai descendre dans le bois ; j’y laissai le coffre et pris le chemin de la ville, où j’achetai des provisions pour huit jours, des habits magnifiques, un beau turban de toile des Indes à raies dor, avec une riche ceinture ; je n’oubliai pas les essences et les meilleurs parfums. J’employai tout mon argent à ces emplettes, sans m’embarrasser de l’avenir ; il me semblait que je ne devais plus manquer de rien après une si agréable aventure.