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CONTES ORIENTAUX

belles mains. Elle se réveilla dans le moment, et apercevant un homme dans une attitude à l’alarmer, elle fit un cri qui attira bientôt auprès d’elle sa gouvernante, qui dormait dans une chambre prochaine. « Mahpeïker[1], lui dit la princesse, venez à mon secours ; voici un homme : comment a-t-il pu s’introduire dans mon appartement ? ou plutôt n’êtes-vous pas complice de son crime ? — Qui ? moi ! repartit la gouvernante ; ah ! ce soupçon m’outrage : je ne suis pas moins étonnée que vous de voir ici ce jeune téméraire ; d’ailleurs, quand j’aurais voulu favoriser son audace, comment aurais-je pu tromper la garde vigilante qui est autour de ce château ? Vous savez de plus qu’il y a vingt portes d’acier à ouvrir avant que d’arriver ici ; que le sceau royal est sur chaque serrure, et que le roi votre père en a les clefs : je ne comprends pas de quelle manière ce jeune homme a pu surmonter toutes ces difficultés. »

Pendant que la gouvernante parlait de la sorte, je rêvais à ce que je leur dirais. Il me vint dans l’esprit de leur persuader que j’étais le prophète Mahomet. « Belle princesse, dis-jà à Schirine, ne soyez pas surprise, non plus que Mahpeïker, si vous me voyez paraître ici. Je ne suis point un de ces amants qui prodiguent l’or et emploient toutes sortes d’artifices pour parvenir au comble de leurs vœux, je n’ai point de désir dont votre vertu doive s’alarmer ; loin de moi toute pensée criminelle. Je suis le prophète Mahomet ; je n’ai pu sans pitié vous voir condamnée à passer vos beaux jours dans une prison, et je viens vous donner ma foi, pour vous mettre à couvert de la prédiction dont Bahaman votre père est épouvanté. Ayez

  1. Forme de lune.