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CONTES ORIENTAUX

j’étais prêt d’y arriver, j’entendis un grand bruit, et bientôt je vis paraître plusieurs cavaliers magnifiquement vêtus et tous montés sur de forts beaux chevaux qui étaient richement caparaçonnés. J’aperçus, au milieu de cette superbe cavalcade, un grand homme qui avait sur la tête une couronne d’or, et dont les habits étaient parsemés de diamants ; je jugeai que c’était le roi de Gazna qui allait voir la princesse sa fille, et j’appris en effet dans la ville que je ne m’étais pas trompé dans ma conjecture.

Après avoir fait le tour de la ville et satisfait un peu ma curiosité, je me ressouvins de mon coffre, et quoique je l’eusse laissé dans un endroit qui devait me rassurer, je devins inquiet. Je sortis de Gazna, et je n’eus point l’esprit en repos que je ne fusse arrivé où il était. Alors je repris ma tranquillité ; je mangeai avec beaucoup d’appétit ce qui me restait de provisions ; et comme la nuit vint aussitôt, je résolus de la passer dans ce bois. J’avais lieu d’espérer qu’un profond sommeil ne tarderait pas à se rendre maître de mes sens, car mes dettes, aussi bien que la mauvaise situation où je me trouvais, me causaient peu d’inquiétude ; cependant je ne pus m’endormir : ce que le paysan m’avait conté de la princesse Schirine se présentait sans cesse à ma pensée. « Est-il possible, disais-je, que Bahaman soit effrayé d’une prédiction frivole ? Était-il nécessaire de faire bâtir un palais pour enfermer sa fille ? N’aurait-elle pas été assez en sûreté dans le sien ? D’un autre côté, si les astrologues percent en effet l’obscur avenir, s’ils lisent dans les astres les événements futurs, il est inutile de vouloir éluder leurs prédictions, il faut nécessairement qu’elles s’accomplissent. Toutes les précautions que peut prendre la prudence