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CONTES ORIENTAUX

Nous fûmes au logis avant mes esclaves, qui ne pouvaient assez s’étonner de nous voir de retour ; je fis enfermer le coffre dans mon appartement, où je le gardai avec plus de soin qu’un trésor, et l’étranger s’en alla aussi content de moi que je l’étais de lui. Je continuai à me divertir avec mes amis, jusqu’à ce que j’eusse achevé de manger mon patrimoine ; je commençai même à emprunter, de sorte qu’insensiblement je me trouvai chargé de dettes. D’abord qu’on sut dans Surate que j’étais ruiné, je perdis mon crédit ; personne ne voulut plus me prêter, et mes créanciers, fort impatients de ravoir leur argent, me sommèrent de le leur rendre. Me voyant sans ressources, et, par conséquent prêt à essuyer des chagrins et des affronts, j’eus recours à mon coffre ; je le traînai une nuit de mon appartement dans ma cour, je m’y enfermai avec quelques provisions et le peu d’argent qui me restait. Je touchai le ressort qui faisait monter la machine ; puis, tournant une des vis, je m’éloignai de Surate et de mes créanciers, sans craindre qu’ils missent des archers à mes trousses.

Je fis aller le coffre pendant la nuit le plus vite qu’il me fut possible, et je croyais surpasser la vitesse des vents. À la pointe du jour, je regardai par un trou pour observer les lieux où j’étais. Je n’aperçus que des montagnes, que des précipices, qu’une campagne aride, qu’un affreux désert. Partout où je portais ma vue, je ne découvris aucune apparence d’habitation. Je continuai de parcourir les airs toute la journée et la nuit suivante. Le lendemain je me trouvai au-dessus d’un bois fort épais, auprès duquel il y avait une assez belle ville, située dans une plaine d’une très grande étendue.

Je m’arrêtai pour considérer la ville, aussi bien