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LES MILLE ET UN JOURS

vantaient leur utilité, leurs agréments, et les autres en représentaient les périls. Quelques personnes de la compagnie, qui avaient voyagé, nous firent des relations de leurs voyages ; les choses curieuses qu’elles disaient avoir vues m’excitaient en secret à voyager ; et les dangers qu’elles disaient avoir courus m’empêchaient d’en prendre la résolution.

Après que je les eus tous écoutés, je leur dis : « On ne peut entendre parler du plaisir qu’on prend à parcourir le monde sans se sentir un extrême désir de voyager ; mais les périls où s’expose un voyageur m’ôtent le goût des pays étrangers. Si l’on pouvait, ajoutai-je en souriant, aller d’un bout de la terre à l’autre sans faire de mauvaises rencontres en chemin, je sortirais dès demain de Surate. » À ces paroles, qui firent rire toute la compagnie, l’étranger me dit : « Seigneur Malek, si vous avez envie de voyager, et que le seul danger de rencontrer des voleurs vous empêche de vous y déterminer, je vous enseignerai, quand vous voudrez, une manière d’aller impunément de royaume en royaume. » Je crus qu’il plaisantait ; mais après le repas, il me prit en particulier et me dit que le lendemain matin il se rendrait chez moi, et me ferait voir quelque chose d’assez singulier.

Il n’y manqua pas : il revint me trouver et me dit : « Je veux vous tenir parole ; mais vous ne verrez que dans quelques jours l’effet de ma promesse ; car ce que j’ai à vous montrer est un ouvrage qui ne saurait être fait aujourd’hui : envoyez chercher un menuisier par un de vos esclaves, et qu’ils reviennent tous deux chargés de planches. » Cela fut exécuté sur-le-champ.