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CONTES ORIENTAUX

tous les jours en exerçant votre métier ; vous passez pour le plus heureux de mes sujets, et l’on a lieu de penser que vous l’êtes en effet ; apprenez-moi si l’on juge mal de vous et si vous êtes satisfait de votre condition ; c’est une chose qu’il m’importe de savoir, et j’exige de vous surtout que vous parliez sans déguisement.

— Grand roi, répondit le tisserand après s’être relevé, puissent les jours de Votre Majesté durer autant que le monde, et être tissus de mille plaisirs qui ne soient mêlés d’aucune disgrâce ; dispensez votre esclave de satisfaire vos désirs curieux. S’il est défendu de mentir devant les rois, il faut avouer aussi qu’il y a des vérités qu’on n’ose révéler : je puis vous dire seulement qu’on a de moi une fausse opinion. Malgré mes ris et mes chants, je suis peut-être le plus malheureux des hommes : contentez-vous de cet aveu, sire, et ne m’obligez point à vous faire un détail de mes infortunes. — Hé ! pourquoi, reprit Bedreddin, craignez-vous de me raconter vos aventures ? est-ce qu’elles ne vous font point d’honneur ? — Elles en feraient au plus grand prince, repartit le tisserand ; mais j’ai résolu de les tenir secrètes. — Malek, dit le roi, vous irritez ma curiosité, et je vous ordonne de la contenter. » Le tisserand n’osa répliquer à ces paroles, et commença de cette sorte l’histoire de sa vie.

HISTOIRE DE MALEK ET DE LA PRINCESSE SCHIRINE

« Je suis fils unique d’un riche marchand de Surate. Peu de temps après sa mort je dissipai la meilleure partie des grands biens qu’il m’avait laissés ; j’achevais d’en consumer le reste avec mes amis, lorsqu’un étranger, qui passait par Surate pour aller, disait-il, à l’île de Serendib, se trouva par hasard un jour à ma table. La conversation roula sur les voyages ; les uns