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LES MILLE ET UN JOURS

LXXVI

Le roi de Damas voulant faire voir à son vizir qu’il y avait des hommes fort contents de leur sort, dit à son favori : « Allez vous promener dans la ville ; passez devant les boutiques des artisans, et amenez-moi tout à l’heure celui qui vous paraîtra le plus gai. » Séyf-el-Mulouk obéit, et revint trouver Bedreddin quelques heures après. « Eh bien, lui dit le monarque, avez-vous fait ce que je vous ai ordonné ? — Oui, sire, répondit le favori ; j’ai passé devant plusieurs boutiques ; j’ai vu toutes sortes d’artisans qui chantaient en travaillant, et qui m’ont semblé fort satisfaits de leur destinée ; j’ai remarqué entre autres un jeune tisserand, nommé Malek, qui riait à gorge déployée avec ses voisins ; je me suis arrêté pour lui parler : « Ami, lui ai-je dit, vous me paraissez bien gai. — C’est mon humeur, m’a-t-il répondu, je n’engendre point de mélancolie. » J’ai demandé aux voisins s’il était vrai qu’il fût d’un caractère si agréable ; ils m’ont tous assuré qu’il ne faisait que rire du matin jusqu’au soir ; alors je lui ai dit de me suivre, et je l’ai amené au palais : il est dans votre appartement ; voulez-vous que je l’introduise dans votre cabinet ? — Faites-le entrer, dit le roi ; il faut que je lui parle ici. »

Aussitôt Séyf-el-Mulouk sortit du cabinet de Bedreddin et y rentra dans le moment suivi d’un jeune homme de très bonne mine, qu’il présenta au roi. Le tisserand se prosterna devant le monarque, qui lui dit : « Levez-vous, Malek, et m’avouez franchement si vous êtes aussi content que vous semblez l’être ; on dit que vous ne faites que rire et chanter