Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
CONTES ORIENTAUX

se tut pour mieux écouter, et bientôt des cris effroyables frappèrent mes oreilles. « Juste ciel ! dit alors la princesse, nous sommes perdus ; c’est le génie, je le reconnais à sa voix. Vous allez périr, rien ne peut vous sauver de sa fureur. Ah ! malheureux prince, quelle fatalité vous a conduit dans ce château. »

Je croyais donc ma mort certaine, et je ne pouvais, en effet, me promettre un traitement plus doux. Le génie entra d’un air furieux ; il avait à la main une masse d’acier, et il avait le corps d’une grandeur démesurée. Il frémit à ma vue ; mais au lieu de me décharger sur la tête un coup de masse, ou de prendie un ton menaçant, il s’approcha de moi en tremblant, il se jeta à mes pieds et me parla dans ces termes : « Ô prince, fils de roi, vous n’avez qu’à m’ordonner tout ce qu’il vous plaira, je suis disposé à vous obéir. » Ce discours me surprit : je ne pouvais comprendre pourquoi ce génie était si rampant devant moi et me parlait en esclave. Mais je cessai de m’étonner lorsque, continuant de m’adresser la parole, il me dit : « L’anneau que vous avez au doigt est le cachet de Salomon[1] ; quiconque le possède ne saurait périr par accident. Il peut traverser, sur un simple esquif, les mers les plus orageuses, sans craindre que les flots l’engloutissent. Les bêtes les plus féroces ne peuvent lui nuire, et il a un pouvoir souverain sur les génies. Les talismans, tous les charmes cèdent à ce merveilleux cachet. »

— C’est donc, dis-je au génie, par la vertu de cet anneau que je vis encore ? — Oui, seigneur, me

  1. Les Mahométans attribuent mille vertus au cachet de Salomon : Moclès paraît lui-même donner dans cette superstition.