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LES MILLE ET UN JOURS

Le génie, au lieu de paraître offensé de ces paroles, en sourit ; et, persuadé qu’effectivement je m’accoutumerais peu à peu à l’écouter, il n’épargna rien pour me plaire. Il alla, je ne sais où, chercher de magnifiques habits qu’il m’apporta ; il mit toute son attention à m’inspirer du goût pour lui ; mais s’apercevant que bien loin de faire quelque progrès dans mon cœur, il me devenait de jour en jour plus odieux, il perdit enfin patience, et résolut de se venger de mes mépris. Il versa sur moi les pavots d’un sommeil magique ; il m’étendit sur un sofa dans l’attitude où vous m’avez trouvée, et mit auprès de moi cette table de marbre, sur laquelle il y a des caractères talismaniques qu’il avait tracés pour me tenir dans un profond sommeil jusqu’à la fin des siècles. Il fit encore deux talismans ; l’un pour rendre ce château invisible, et l’autre pour empêcher qu’on n’en ouvrit la porte. Ensuite il me laissa dans cet appartement et s’éloigna de ce château. Il y revient de temps en temps ; il me réveille et me demande si je veux enfin devenir sensible à sa passion ; et comme je persiste toujours à le maltraiter, il me replonge dans l’assoupissement qu’il a inventé pour mon supplice.

Cependant, seigneur, poursuivit la fille du roi de Sérendib, vous m’avez réveillée, vous avez ouvert la porte de ce château qui n’a point été invisible pour vous ; n’ai-je pas raison de douter que vous soyez un homme ? Je vous dirai même qu’il est surprenant que vous soyez encore en vie ; car j’ai ouï dire au génie que les bêtes féroces mangent tous ceux qui veulent s’arrêter dans cette île, et que c’est pour cela qu’elle est déserte. »

Tandis que la princesse Malika parlait de cette sorte, nous entendîmes un grand bruit dans le château. Elle