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LES MILLE ET UN JOURS

je suis comme vous de la race d’Adam. Mais apprenez-moi, poursuivit-elle, pourquoi vous avez quitté la cour de votre père, et comment vous êtes venu dans cette île. »

Alors je satisfis sa curiosité ; je lui avouai ingénument que j’étais devenu amoureux de Bedy-Aljemal, fille du roi Schahbal, en voyant son portrait, que je lui montrai. La dame prit le portrait, le regarda fort attentivement, et me dit : « J’ai ouï parler du roi Schahbal. Il règne dans une île voisine de Sérendib. Si sa fille est aussi belle que son portrait, elle mérite bien que vous l’aimiez avec tant d’ardeur ; mais il faut se défier des portraits qu’on fait des princesses ; on les peint d’ordinaire en beau. Achevez, ajouta-t-elle, votre histoire ; après cela je vous conterai la mienne. » Je lui fis un long détail de toutes mes aventures, et ensuite je la priai de m’apprendre les siennes. Elle en commença le récit dans ces termes :

« Je suis fille unique du roi de Sérendib[1]. Un jour que j’étais avec mes femmes dans un château que mon père a près de la ville de Sérendib, il me prit fantaisie de me baigner dans un bassin de marbre blanc qui était dans le jardin. Je me fis déshabiller, et j’entrai dans le bassin avec mon esclave favorite. À peine fûmes-nous dans l’eau qu’il s’éleva un assez grand vent. Un tourbillon de poussière parut en l’air au-dessus de nous, et du milieu de ce tourbillon sortit tout à coup un gros oiseau qui fondit sur moi, me prit entre ses serres, m’enleva et m’apporta dans ce château, où changeant aussitôt de figure, il se montra sous la forme d’un jeune génie. « Princesse, me dit-il, je suis un des plus considérables génies du monde. Comme je passais aujourd’hui par l’île de

  1. Île de Ceylan.