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CONTES ORIENTAUX

alors en moi-même, quelque talisman tient cette dame endormie, et si cela est ainsi, il n’est pas possible de la retirer de cet assoupissement. Je désespérais d’en venir à bout, lorsque j’aperçus sur la table de marbre dont j’ai parlé quelques caractères gravés ; je jugeai que cette gravure pouvait être constellée ; je me mis en devoir d’ôter la table, mais à peine l’eus-je touchée que la dame fit un grand soupir et se réveilla.

Si j’avais été surpris de trouver dans ce château une si belle personne, elle ne fut pas moins étonnée de me voir. « Ah ! jeune homme, me dit-elle, comment avez-vous pu vous introduire ici ? Qu’avez-vous fait pour surmonter tous les obstacles qui devaient vous empêcher d’entrer dans ce château, et qui sont au-dessus de la puissance humaine ? Je ne saurais croire que vous soyez un homme. Vous êtes sans doute le prophète Élie ? — Non, madame, lui dis-je, je ne suis qu’un simple homme, et je puis vous assurer que je suis venu ici sans peine ; je n’ai trouvé aucune difficulté à vaincre. La porte de ce château s’est ouverte dès que j’ai touché la clef. Je suis monté dans cet appartement sans qu’aucun pouvoir s’y soit opposé. Je ne vous ai pas facilement réveillée ; c’est ce qui m’a coûté le plus.

— Je ne puis ajouter foi à ce que vous me dites, reprit la dame, je suis si persuadée qu’il est impossible aux hommes de faire ce que vous avez fait, que je ne crois point, quoi que vous puissiez dire, que vous ne soyez qu’un homme. — Madame, lui dis-je, je suis peut-être quelque chose de plus qu’un homme ordinaire. Un souverain est l’auteur de ma naissance, mais je ne suis qu’un homme enfin. J’ai bien plutôt sujet de penser que vous êtes d’une espèce supérieure à la mienne. — Non, repartit-elle,