Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
LES MILLE ET UN JOURS

LXXII

Je demeurai quelques moments à la considérer, elle me parut charmante, et j’en serais devenu amoureux, si je n’eusse pas été aussi occupé que je l’étais de Bedy-Aljemal. J’avais un désir extrême de savoir pourquoi je trouvais dans une île déserte une jeune dame seule dans un château où je ne voyais personne. Je souhaitais passionnément qu’elle s’éveillât ; mais elle dormait d’un si profond sommeil que je n’osais troubler son repos. Je sortis du château dans la résolution d’y revenir quelques heures après.

Je me promenai dans l’île, et j’aperçus avec épouvante un grand nombre d’animaux gros comme des tigres, et faits à peu près comme des fourmis : je les aurais pris pour des bêtes féroces et cruelles s’ils n’eussent pas fui à mon aspect. Je vis encore d’autres animaux sauvages qui semblèrent me respecter, bien qu’ils eussent un air de férocité qui faisait peur. Après avoir mangé de quelques fruits dont la beauté charmait ma vue, et m’être promené assez longtemps, je retournai au château, où la dame était encore endormie : je ne pus résister davantage à l’envie que j’avais de lui parler : je fis du bruit dans la chambre, et j’affectai de tousser pour dissiper son sommeil. Comme elle ne se réveillait point encore, je m’approchai d’elle et lui touchai le bras d’une manière à pouvoir produire l’effet que je souhaitais. J’exerçai toutefois en vain le sentiment du tact ; cela ne me parut pas naturel : « Il y a ici de l’enchantement, dis-je