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CONTES ORIENTAUX

Goa, où nous apprîmes en arrivant qu’un vaisseau devait mettre à la voile dans peu de jours, et prendre la route de l’île de Serendib. Nous partîmes de Goa avec un vent si favorable, que nous avançâmes beaucoup la première journée ; mais, dès la seconde, le vent changea, et il s’éleva vers le soir une tempête si violente que les matelots, voyant notre perte inévitable, abandonnèrent le vaisseau au gré du vent et de la mer. Tantôt les flots, s’ouvrant comme pour nous engloutir, présentaient d’affreux abîmes à nos yeux effrayés, et tantôt s’élevant, ils nous portaient avec eux jusqu’aux nues. Bientôt le vaisseau faisant eau de toutes parts, on dut jeter des embarcations à la mer. Je m’élançai dans un canot avec Saed. À peine nous étions-nous éloignés du vaisseau qu’il sombra avec un terrible craquement et nous perdîmes de vue tous nos compagnons.

Après avoir vogué toute une nuit à l’aventure, nous aperçûmes à la pointe du jour une petite île : nous y allâmes descendre. Plusieurs arbres chargés de forts beaux fruits qui pendaient jusqu’à terre, frappèrent d’abord notre vue ; ce qui nous réjouit d’autant plus que nous commencions à nous sentir beaucoup d’appétit : nous en cueillîmes, nous en mangeâmes, et nous les trouvâmes excellents. Lorsque nous eûmes pris un peu de rafraîchissement, nous attachâmes notre bateau à un piquet et nous nous avançâmes dans l’île. Je n’ai jamais vu de séjour plus agréable : il y croît du sandal et du bois d’aloès ; on y voit des sources d’eau douce et toutes sortes de fruits, aussi bien que les plus belles fleurs.

Ce qui nous surprenait davantage, c’est que cette île, quoique si commode et si agréable pour la vie, nous paraissait déserte. » D’où vient, dis-je à Saed, que