Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
CONTES ORIENTAUX

bruit. Ils me dirent qu’ils n’avaient rien entendu, et qu’ils n’en étaient pas moins surpris que moi. Je courus aussitôt chez le cadi, qui mit son nayb[1] en campagne avec tous ses archers ; mais leurs perquisitions furent inutiles ; chacun pensa ce qu’il voulut de ce tragique événement.

Pour moi, je jugeai comme bien d’autres que mes associés pouvaient en être les auteurs ; et j’en conçus tant de chagrin que je tombai malade. Je traînai longtemps à Bagdad des jours languissants ; je vendis ma maison, et j’allai demeurer à Moussel avec tout ce que je pouvais avoir de bien. Je pris ce parti, parce que j’avais un parent que j’aimais beaucoup, et qui était attaché au premier vizir du roi de Moussel. Ce parent me reçut fort bien, et en peu de temps je fus connu du ministre, qui croyant voir en moi un talent pour les affaires, me donna de l’occupation. Je m’attachai à bien faire les choses dont il me chargeait, et j’eus le bonheur d’y réussir. Il devint de jour en jour plus content de moi ; je gagnai peu à peu sa confiance, et insensiblement j’entrai dans les plus secrètes affaires de l’État. Je lui aidai même bientôt à en soutenir le poids. Quelques années après ce ministre mourut, et le roi, peut-être trop prévenu en ma faveur, me donna sa place ; je la remplis pendant deux ans au gré du roi, et au contentement de ses peuples. Et même ce monarque, pour témoigner combien il était satisfait de mon ministère, me nomma Atalmuc. Je vis bientôt l’envie armée contre moi. Quelques grands seigneurs devinrent mes ennemis secrets, et résolurent de me perdre. Pour mieux en venir à bout, ils me rendirent suspect au prince de Moussel, qui, se laissant prévenir par leurs

  1. Lieutenant.