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LES MILLE ET UN JOURS

longtemps jouir d’un sort agréable ? Les chagrins, les malheurs ne troublent-ils pas sans cesse leur repos ? Un soir, je rerenais de me divertir avec mes amis ; je frappai à ma porte ; j’a vais beau frapper rudement, personne ne venait ouvrir. J’en fus surpris, et j’en conçus, sans savoir pour quoi, un triste présage. Je redouble mes coups ; aucun esclave ne vient ; mon étonnement augmente. Que faut-il que je pense de ceci, dis-je en moi-même ; est-ce quelque nouvelle infortune que j’éprouve ? » Au bruit que je faisais, plusieurs voisins sortirent de leurs maisons, et aussi étonnés que moi de ce que mes domestiques ne répondaient point, ils m’aidèrent à enfoncer la porte. Nous entrons ; nous trouvons dans la cour et dans la première salle mes esclaves égorgés. Nous passons dans l’appartement de Zélica. Ô spectacle effroyable ! Je vois Schapour et Calé-Cairi tous deux sans vie et noyés dans leur sang ! J’appelle ma princesse, elle ne répond point à ma voix ; je parcours toute la maison, et n’y rencontrant point ce que je cherchais, je sens chanceler mon corps, je tombe sans sentiment entre les bras de mes voisins. Heureux si l’ange de la mort m’eût enlevé dans ce moment ! Mais non, le ciel voulait que je vécusse pour voir toute l’horreur de ma destinée.

LXX

« Lorsque mes voisins m’eurent rappelé à la vie par leur cruel secours, je leur demandai comment il était possible qu’on eût fait un si grand carnage dans ma maison, sans qu’ils eussent ouï le moindre