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CONTES ORIENTAUX

bras, que je vous demandai ce que vous vouliez faire, et que, sans me répondre, vous me précipitâtes dans la mer par un sabord du vaisseau ? » Ils répondirent que j’avais rêvé cela, et qu’il fallait que moi-même, en dormant, je me fusse jeté dans le golfe.

« Et pourquoi, leur dit alors le vizir, n’avez-vous pas fait semblant de le connaître à Ormus. Et ! que direz-vous donc, traîtres, répliqua-t-il en les regardant d’un air menaçant, quand je vous ferai voir un certificat du cadi d’Ormus, qui prouve le contraire ? » À ces paroles, que le vizir dit pour les éprouver, mes associés pâlirent et se troublèrent. « Vous changez de visage, leur dit-il : Eh bien, avouez vous-mêmes votre crime ; épargnez-vous les supplices qu’on vous apprête pour vous arracher cet aveu. »

Alors ils confessèrent tout, et sur cette confession il les fit emprisonner, en attendant que le calife, qu’il voulait, disait-il, informer de cette affaire, ordonnât de quel genre de mort il souhaitait qu’ils mourussent ; mais ils trouvèrent moyen de tromper la vigilance de leurs gardes, ou d’en corrompre la fidélité. Ils s’échappèrent de leur prison, et se cachèrent si bien dans Bagdad, qu’on ne les put découvrir, quelque recherche qu’en fît le grand vizir. Cependant tous leurs biens furent confisqués et demeurèrent au calife, à la réserve d’une petite partie qu’on me donna pour me dédommager de ce qu’on m’avait volé.

Je ne songeai plus, après cela, qu’à mener une vie tranquille avec ma princesse. Nous passions nos jours dans une parfaite union, et je ne faisais de vœux au ciel que pour le prier de me laisser le reste de ma vie dans l’heureuse situation où je me trouvais. Inutiles souhaits. Les hommes peuvent-ils