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LES MILLE ET UN JOURS

LXVIII

« Nous entrâmes dans le sérail : l’officier qui me conduisait me mena dans l’appartement du roi. Ce prince y était avec son grand-vizir seulement et le faquir, que je croyais déjà loin de Candahar.

Dès que j’aperçus ce perfide ami, je connus toute sa trahison. « C’est donc toi, me dit Firouzschah, qui as des entretiens secrets avec ma favorite ? Ah ! scélérat, il faut que tu sois bien hardi pour oser te jouer de moi ; parle, et réponds précisément à ce que je vais te demander. Lorsque tu es arrivé à Candahar, ne t’a-t-on pas dit que je punissais sévèrement les criminels ? » Je répondis que oui. « Hé bien, reprit-il, puisqu’on t’en a averti, pourquoi as-tu commis le plus grand de tous les crimes ? — Sire, lui dis-je, que les jours de votre majesté puissent durer jusqu’à la fin de tous les siècles ; mais vous savez que l’amour rend la colombe hardie : un homme épris d’une passion violente n’appréhende rien ; je suis prêt à servir de victime à votre juste colère ; et à quelques tourments que vous puissiez me réserver, je ne me plaindrai point de votre rigueur si vous faites grâce à votre esclave favorite. Hélas ! elle vivait tranquille dans votre sérail avant mon arrivée, et, contente de faire le bonheur d’un grand roi, elle commençait à oublier un malheureux amant, qu’elle croyait ne revoir jamais : elle a su que j’étais dans cette ville, ses premiers feux se sont rallumés ; c’est moi qui viens l’arracher à votre tendresse ; c’est donc moi seul que vous devez punir. »