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LES MILLE ET UN JOURS

L’eunuque prit aussitôt le chemin du palais, et alla rendre compte à Zélica de la disposition où il avait laissé le faquir.

Je fus ravi de voir ainsi succéder le calme à la tempête qui m’avait effrayé. Je l’avouerai pourtant, j’étais fâché de perdre mon ami, et je le retins encore ce jour-là. « Attendez, lui dis-je, vous partirez demain ; je veux encore aujourd’hui me réjouir avec vous, peut-être ne nous reverrons-nous jamais. Ah ! puisque nous devons nous séparer, retardons un peu du moins le triste moment de notre séparation. Pour mieux célébrer nos adieux, j’ordonnai un grand souper ; quand il fut prêt, nous nous mîmes à table : nous avions déjà goûté de plusieurs mets, lorsque nous vîmes entrer Schapour, qui portait un plat d’or dans lequel il y avait un ragoût : « Seigneur Hassan, me dit-il, je vous apporte un ragoût qu’on vient de servir au souper du roi ; sa majesté l’a trouvé si délicieux qu’il l’a fait porter sur-le-champ à sa favorite, qui vous l’envoie. » Nous mangeâmes de ce ragoût, et il nous parut en effet excellent. Le faquir pendant le repas ne pouvait se lasser d’admirer mon bonheur, et il me dit vingt fois : « Ô jeune homme, que ton sort est charmant ! »

Nous passâmes la nuit à boire, et d’abord qu’il fit jour, mon ami me dit : « C’est à présent qu’il faut nous quitter. Alors j’allai chercher une bourse pleine de sequins que Schapour m’avait apportée le jour précédent de la part de sa maîtresse, et la donnant au faquir : « Prenez, lui dis-je, ma bourse, elle peut vous servir dans l’occasion. Il me remercia ; nous nous embrassâmes, il sortit, et après son départ, je demeurai assez longtemps dans une triste situation : « Ô trop imprudent ami ! disais-je, c’est toi qui es