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CONTES ORIENTAUX

que les yeux en étaient témoins ; si j’avais été seul avec elle, je suis sûr qu’elle aurait été plus humaine. »

À ce discours, qui marquait assez qu’il était pris de vin, je cessai de lui faire des reproches ; j’espèrai que le lendemain il entendrait mieux raison, et qu’il reconnaîtrait sa faute. J’ordonnai à un de mes esclaves de le mener à son appartement, et moi je demeurai dans le mien, où les réflexions que je fis sur ce qui s’était passé ne me permirent pas de reposer tranquillement. Le jour suivant, le faquir le prit en effet sur un autre ton : il me témoigna qu’il était très mortifié de m’avoir donné du chagrin, et que, pour se punir lui-même de son indiscrétion, il avait résolu de s’éloigner de Candahar : il me parla d’une manière qui me toucha. J’écrivis sur-le-champ à la princesse que notre faquir se repentait de son audace, et la suppliait très humblement avec moi de la pardonner au vin qui la lui avait inspirée.

Comme j’achevais d’écrire, Schapour arriva ; il m’apprit que sa maîtresse était toujours fort irritée : je le chargeai de ma lettre ; il retourna sur ses pas et revint quelques heures après avec une réponse. Zélica me mandait qu’elle voulait bien excuser l’insolence du faquir, puisqu’il assurait qu’il s’en repentait ; mais à condition qu’il ne demeurerait pas plus longtemps chez moi, et qu’il sortirait de Candahar dans vingt-quatre heures. Je montrai le billet de la favorite de Firouzschah à mon ami, qui me dit devant Schapour qu’en cela ses sentiments étaient conformes à ceux de la dame ; qu’il n’oserait plus paraître devant elle après l’action téméraire qu’il avait eu le malheur de commettre, et qu’il prétendait à l’heure même sortir de la ville de Candahar.