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CONTES ORIENTAUX

débauche ? — Hassan, me répondit-elle, vous ne songez guère à ce que vous exigez de moi. Au lieu de m’exposer aux regards d’un homme, vous devriez m’y soustraire avec soin. — Madame, repris-je, c’est un garçon sage et discret, et dont l’amitié m’est connue. Je réponds que vous n’aurez aucun sujet de vous repentir de m’avoir donné la satisfaction que je vous demande. — Je ne puis rien vous refuser, repartit Zélica ; mais j’ai un pressentiment que nous en aurons du chagrin. — Eh non, ma princesse, lui dis-je, soyez là-dessus sans inquiétude. Reposez-vous sur ma parole, et qu’aucune crainte ne vous empêche de partager le plaisir que j’ai de vous voir. »

En achevant ces mots, j’appelai le faquir, et le présentai à Zélica. Elle lui fit, pour me plaire, un accueil fort gracieux, et après bien des compliments de part et d’autre, nous nous mîmes tous trois à table avec Calé-Cairi. Mon camarade était un homme de trente ans ; il avait beaucoup d’esprit : il fit bientôt connaître aux dames par ses saillies et ses bons mots qu’il ne haïssait pas le plaisir, ou plutôt qu’il déshonorait son habit. Aussitôt que nous eûmes mangé de tous les mets qui nous furent servis, on apporta du vin ; les esclaves nous en versèrent dans des coupes d’agate. Le faquir ne laissait pas longtemps la sienne vide ; il la faisait remplir à tous moments, de sorte qu’à force de boire, il se mit bientôt dans un bel état. Il n’était pas fort respectueux naturellement, aussi le vin irrita son audace et lui fit perdre le peu de retenue qu’il avait conservé jusque-là. Il ne se contenta pas d’attaquer la pudeur des dames par des discours effrontés, il jeta brusquement ses bras au cou de la princesse de Perse, et lui déroba insolemment un baiser.