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CONTES ORIENTAUX

de la ville où il savait qu’on en vendait secrètement. On lui en donna d’excellent, et nous en bûmes avec si peu de discrétion que nous n’aurions osé paraître en public. Nous ne nous y serions pas montrés impunément.

Dans le fort de notre débauche, le faquir me dit : « Apprends-moi, Hassan, toute ton aventure, découvre-m’en le mystère ; tu ne risques rien, je suis discret, et de plus ton meilleur ami. Tu ne peux douter de ma foi sans me faire outrage ; ouvre-moi donc le fond de ton âme, et me fais connaître toute la bonne fortune, afin que nous puissions nous en réjouir ensemble. D’ailleurs je me pique d’être un homme de bon conseil, et tu sais qu’un confident de ce caractère n’est pas inutile. »

Échauffé du vin que j’avais bu, et séduit par les témoignages d’amitié qu’il me donnait, je me rendis à ses instances. « Je suis persuadé, lui dis-je, que tu n’es pas capable d’abuser de la confidence que je vais te faire, ainsi je veux ne te rien déguiser. Lorsque je te rencontrai, te souviens-tu que j’étais fort triste ? Je venais de perdre à Chiras une dame que j’aimais et dont j’étais aimé. Je la croyais morte, et toutefois elle vit encore : je l’ai retrouvée à Candahar, et pour te dire tout, elle est favorite du roi Firouzschah. » Le faquir laissa paraître un extrême étonnement à ce discours. « Hassan, me dit-il, tu me donnes une idée charmante de cette dame ; il faut qu’elle soit pourvue d’une merveilleuse beauté, puisque le roi de Candahar en est épris. — C’est une personne incomparable, lui repartis-je ; avec quelque avantage qu’un amant puisse te la peindre, il n’en saurait faire un portrait flatteur. Elle ne manquera pas de venir ici bientôt, tu la verras ; je veux