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CONTES ORIENTAUX

habit religieux, elle m’aurait un peu moins plaint ; mais je n’eus garde de l’en instruire, et je ne songeai qu’à lui tenir des discours passionés. Avec quelle rapidité s’écoulèrent les moments de notre entretien ! Quoiqu’il eût duré trois heures, nous nous fâchâmes contre Schapour et Calé-Cairi, lorsqu’ils nous avertirent qu’il fallait nous séparer. « Ah ! que les personnes qui n’aiment point sont incommodes, leurs disions-nous ; il n’y a qu’un instant que nous sommes ensemble, laissez-nous en repos. » Cependant pour peu que nous eussions encore continué de nous entretenir, le jour nous aurait surpris, car il parut peu de temps après que la princesse se fut retirée.

Malgré les agréables pensées qui m’occupaient, je ne laissai pas de me ressouvenir du faquir avec qui j’étais venu de Candahar ; et me représentant l’inquiétude qu’il devait avoir d’ignorer ce que j’étais devenu, je sortis de chez moi pour l’aller trouver. Je le rencontrai par hasard dans la rue. Nous nous embrassâmes : « Mon ami, lui dis-je, j’allais à votre caravansérail pour vous informer de ce qui m’est arrivé et vous mettre l’esprit en repos. Je vous ai sans doute causé quelques alarmes. — Oui, répondit-il, j’étais fort en peine de vous ; mais quel changement ! sous quels habits vous présentez-vous à mes yeux ? Vous avez l’air d’être en bonne fortune. Tandis que l’incertitude de votre destinée m’affligeait, vous passiez, à ce que je vois, agréablement votre temps. — J’en conviens, repris-je, mon cher ami, je t’avouerai que je suis encore mille fois plus heureux que tu ne saurais te l’imaginer. Je veux que tu sois témoin de tout mon bonheur, et que tu en profites même. Laisse là ton caravansérail et