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LES MILLE ET UN JOURS

mais ma maîtresse ne le voulut point. « Non, non, me dit-elie, il faut lui faire sentir ma perte, il sera plus sensible au plaisir de me revoir, et sa surprise sera d’autant plus agréable que l’opinion de ma mort lui aura causé du chagrin. »

Je ne pouvais goûter ce raffinement de tendresse, comme si j’en eusse pressenti les tristes suites ; aussi Zélica s’en est-elle bien repentie ; je ne puis vous dire jusqu’à quel point elle fût affligée de votre retraite. « Ah ! malheureuse que je suis, s’écriait-elle sans cesse, de quoi me sert d’avoir tout sacrifié à l’amour, s’il faut renoncer à Hassan pour jamais ? » Nous vous fîmes chercher par toute la ville. Schapour ne négligea rien pour vous trouver, et quand nous eûmes perdu l’espérance, nous sortîmes de Chiras. Nous marchâmes vers l’Indus, parce que nous nous imaginâmes que vous aviez peut-être porté vos pas de ce côté-là ; et, nous arrêtant dans toutes les villes qui sont sur le bord de ce fleuve, nous faisions de vous des perquisitions aussi exactes que vaines. Un jour, en allant d’une ville à une autre, bien que nous fussions avec une caravane, une grosse troupe de voleurs nous enveloppa, battit les marchands et pilla leurs marchandises ; ils se rendirent maîtres de nous, prirent l’or et les pierreries dont ils nous trouvèrent saisies, nous menèrent ensuite à Candahar et nous vendirent ensuite à un marchand d’esclaves de leur connaissance.

Ce marchand n’eut pas plutôt entre ses mains Zélica qu’il résolut de la faire voir au roi de Candahar. Firouzschah en fut charmé dès qu’elle s’offrit à ses yeux ; il lui demanda d’où elle était ; elle dit qu’Ormus l’avait vue naître, et elle ne répondit pas avec plus de sincérité aux autres questions que ce prince ne