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CONTES ORIENTAUX

maison qu’il avait louée, et moi je revins au tombeau passer le reste de la nuit ; je fis un paquet d’étoffe de la forme d’un cadavre, je le couvris du drap qui avait servi à envelopper Zélica, et je l’enfermai dans le cercueil.

Le lendemain matin, les autres esclaves de la princesse vinrent prendre ma place, que je ne quittai point sans faire auparavant toutes les grimaces dont est ordinairement accompagnée la fausse douleur. On rendit compte au roi des marques d’affection qu’on m’avait vu donner ; ce qui l’aurait excité à me faire des présents quand il n’y aurait pas été déjà déterminé : il fit tirer de son trésor dix mille sequins qu’on me compta, et il m’accorda la permission que je lui demandai, de me retirer et d’emmener avec moi l’eunuque Schapour. Après cela j’allai trouver ma maîtresse pour me réjouir avec elle de l’heureux succès de notre stratagème. Le jour suivant, nous envoyâmes l’eunuque à la chambre du roi, avec un billet par lequel je vous priais de me venir voir : mais un de vos zulufflis lui dit que vous étiez indisposé et qu’on ne pouvait vous parler. Trois jours après, nous l’y renvoyâmes ; il apprit que vous n’étiez plus au sérail, et qu’on ne savait ce que vous étiez devenu. »

J’interrompis en cet endroit Calé-Cairi : « Hé ! pourquoi, lui dis-je, ne m’avoir pas averti de votre projet ? Pourquoi ne m’en fites-vous pas instruire par Schapour ? Ah ! qu’un mot m’aurait épargné de peines ! — Ah ! plût au ciel, interrompit à son tour Calé-Cairi, qu’on ne vous en eût pas fait un mystère, Zélica vivrait avec vous présentement dans quelque endroit du monde : il n’a pas tenu à moi que vous n’ayez été heureux l’un et l’autre. À peine eûmes-nous formé notre dessein que je fus d’avis de vous le faire savoir ;