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CONTES ORIENTAUX

vous prie de m’écouter, vous allez apprendre tout ce que vous souhaitez de savoir. Ma maîtresse, continua-t-elle, m’embrassa de joie, tant ce projet lui parut ingénieux ; mais se représentant bientôt combien il était difficile à exécuter, à cause des cérémonies qui s’observent aux funérailles, elle me dit ce qu’elle en pensait : je levai toutes les difficultés, et voici de quelle manière nous conduisîmes cette grande entreprise.

Zélica se plaignit d’un mal de tête et se coucha. Le lendemain, je fis courir le bruit qu’elle était dangereusement malade. Le médecin du roi vint, qui s’y laissa tromper, et ordonna des remèdes qu’on ne prit point. Les jours suivants la maladie augmenta ; et quand je jugeai à propos que la princesse fût à l’extrémité, je lui mis dans l’oreille une feuille de l’herbe en question. Je courus aussitôt avertir Schah-Tahmaspe que Zélica n’avait plus que quelques instants à vivre et demandait à lui parler. Il se rendit promptement auprès d’elle, et remarquant, parce que l’herbe opérait, que son visage changeait de moment en moment, il s’attendrit et se mit à pleurer. « Seigneur, lui dit alors sa fille, je vous conjure par la tendresse que vous avez toujours eue pour moi, d’ordonner que mes dernières volontés soient exactement suivies : je veux qu’après ma mort aucune autre femme que Calé-Cairi ne lave mon corps, ne le frotte de parfums ; je souhaite que mes autres esclaves ne partagent point cet honneur avec elle ; je demande encore qu’elle me veille seule la première nuit et que personne qu’elle n’arrose de ses larmes mon tombeau ; je veux que ce soit cette esclave zélée qui prie le Prophète de me secourir contre les assauts des mauvais anges. »