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LES MILLE ET UN JOURS

mon pouvoir, et vous devez me le pardonner, puisque tous mes raisonnements ne servirent qu’à fortifier sa passion. Quand je vis que je ne pouvais la persuader : « Madame, lui dis je, je ne saurais envisager sans frémir les périls où vous allez vous jeter ; et puisque rien n’est capable de vous détacher de votre amant, il faut donc chercher un moyen de le voir sans commettre vos jours ni les siens. J’en sais un qui flatterait sans doute votre amour, mais je n’oserais vous le proposer, tant il me paraît délicat.

— Parlez, Calé-Cairi, me dit alors la princesse ; quel que soit ce moyen, ne me le cachez pas. — Si vous l’employez, lui répliquai-je, il faut vous résoudre à quitter la cour pour vivre comme si le ciel vous avait fait naître dans la plus commune condition. Il faut que vous renonciez à tous les honneurs qui sont attachés à votre rang ; aimez-vous assez Hassan pour lui faire un si grand sacrifice ? — Si je l’aime, repartit-elle, en poussant un profond soupir ! Ah ! le sort le plus obscur me plaira davantage avec lui que toutes ces apparences fastueuses qui m’environnent. Dites-moi ce que je dois faire pour le voir sans contrainte, et je le ferai sans balancer. — Je vais donc, lui dis-je, céder à votre penchant, puisqu’il est inutile de le combattre. Je connais une herbe qui a une vertu assez singulière : si vous vous en mettez dans l’oreille une feuille seulement, vous tomberez en léthargie une heure après ; vous passerez pour morte ; on fera vos funérailles, et, la nuit, je vous ferai sortir du tombeau. »

À ces paroles, j’interrompis Calé-Cairi. « Ô ciel ! m’écriai-je, serait-il bien possible que la princesse Zélica ne fût pas morte ? Qu’est-elle devenue ? — Seigneur, me dit Calé-Cairi, elle vit encore ; mais je