Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
CONTES ORIENTAUX

situation. Je crois que l’attente d’un mal fait moins souffrir que celle d’un grand plaisir. Cependant la nuit arriva ; l’on alluma partout des bougies, et l’on prit soin particulièrement de bien éclairer le plus bel appartement de la maison. J’y étais avec Schapour qui, pour adoucir mon ennui, me disait à tous moments : « On va venir, encore un peu de patience. » Enfin nous entendîmes frapper à la porte ; l’eunuque alla ouvrir et revint avec une dame qui n’eut pas sitôt levé son voile que je la reconnus pour Calé-Cairi. À cette vue, ma surprise fut extrême, car je croyais cette dame à Chiras. « Seigneur Hassan, me dit-elle, quelque étonné que vous soyez de me voir, vous le serez bien davantage quand vous entendrez ce que j’ai à vous raconter. » À ces mots, Schapour et les esclaves sortirent et me laissèrent seul avec Calé-Cairi. Nous nous assîmes tous deux sur le même sofa, et elle prit la parole dans ces termes :

« Vous vous souvenez bien, seigneur Hassan, de cette nuit que Zélica choisit pour se découvrir à vous, et la promesse qu’elle vous fit en vous quittant ne doit pas encore être sortie de votre mémoire. Le lendemain, je lui demandai quelle résolution elle avait prise et quel témoignage de tendresse elle prétendait vous donner. Elle me répondit qu’elle voulait vous rendre heureux et avoir souvent avec vous de secrets entretiens, quelque péril qu’il y eut à courir. Je ne vous nierai point que révoltée contre ses sentiments, je n’épargnai rien pour les affaiblir. Je lui représentai que c’était une extravagance à une princesse de son rang de songer à vous et de s’exposer pour un page à perdre la vie : en un mot, je combattis son amour de tout