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CONTES ORIENTAUX

naturellement, pour pouvoir résister au mauvais exemple que ces faquirs me donnaient. Je me jetai dans toutes sortes de débauches, et par là je perdis insensiblement le souvenir de la princesse de Perse. Ce n’est pas qu’elle ne s’offrit quelquefois à ma pensée, et qu’elle ne m’arrachât des soupirs ; mais, au lieu de nourrir ces faibles restes de douleur, je n’épargnais rien pour les détruire, et je disais souvent : « Pourquoi penser à Zélica, puisque Zélica n’est plus ? Quand je la pleurerai toute ma vie, de quoi lui serviront mes pleurs ? »

LXII

« Je passai près de deux années avec ces faquirs, et j’y aurais demeuré bien davantage si celui qui m’avait attiré parmi eux, et que j’aimais plus que les autres, ne m’eût proposé de voyager. « Hassan, me dit-il un jour, je commence à m’ennuyer dans cette ville ; il me prend envie de courir le pays. J’ai ouï dire des merveilles de la ville de Candahar : si tu veux m’accompagner, nous verrons si l’on m’en a fait un portrait fidèle. » Je consentis, poussé par la curiosité de voir de nouveaux pays, ou, pour mieux dire, entraîné par cette puissance supérieure qui nous fait agir nécessairement.

Nous partîmes donc tous deux de Bost, et après avoir passé par plusieurs villes du Ségestan, sans nous y arrêter, nous arrivâmes à la belle ville de Candahar, qui parut revêtue de fortes murailles. Nous allâmes loger dans un caravansérail, où l’on