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LES MILLE ET UN JOURS

tu n’as qu’à me suivre. — N’étant pas accoutumé à vos pratiques de dévotion, je crains de m’acquitter mal… — Tu te moques, interrompit-il, avec tes pratiques ; je te le répète encore, nous ne sommes pas des faquirs rigides ; en un mot, nous n’en avons que l’habit. »

Quoique ce faquir, par ces paroles, me fît connaître que ses deux confrères et lui étaient trois libertins, je ne refusai pas de me joindre à eux. Outre que je me trouvais dans un état misérable, je n’avais pas appris parmi les pages à être scrupuleux sur les liaisons. Aussitôt que j’eus dit au faquir que je consentais de faire ce qu’il souhaitait, il me conduisit à Bost, en me faisant subsister sur la route de dattes, de riz et d’autres provisions qu’on lui donnait dans les bourgs et les villages par où nous passions. D’abord qu’on entendait son grelot et son cri, les bons musulmans accouraient avec des vivres et on le chargeait.

Nous arrivâmes de cette manière à la ville de Bost ; nous entrâmes dans une petite maison située dans les faubourgs, où demeuraient les deux autres faquirs. Ils nous reçurent à bras ouverts, et parurent charmés de la résolution que j’avais prise de vivre avec eux. Ils m’eurent bientôt initié à leurs mystères, c’est-à-dire qu’ils m’enseignèrent toutes leurs grimaces. Quand je fus bien instruit dans l’art de tromper le peuple, ils m’habillèrent comme eux, et m’obligèrent d’aller dans la ville présenter aux honnêtes gens des fleurs ou des rameaux, et leur réciter des vers. Je revenais toujours au logis chargé de quelques pièces d’argent qui servaient à nous faire faire bonne chère.

J’étais encore trop jeune, et j’aimais trop le plaisir