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LES MILLE ET UN JOURS

reprends le mien ; je ne veux pas me déguiser plus longtemps, ni vous cacher l’importance de la conquête que vous avez faite ; connaissez donc toute la gloire de votre triomphe. Quoique vous ayez plus d’amour que d’ambition, je suis persuadée que vous n’apprenez pas sans un nouveau plaisir que c’est une princesse qui vous aime. »

Je ne manquai pas de dire à Zélica que je ne pouvais comprendre l’excès de mon bonheur, ni comment j’avais mérité que du faîte des grandeurs où elle était élevée, elle daignât descendre jusqu’à moi et me venir chercher dans le néant, pour me faire un sort digne de l’envie d’un des plus grands rois du monde. Enfin, surpris, enchanté des bontés de la princesse, je commençai à me répandre en discours pleins de reconnaissance ; mais elle m’interrompit : « Hassan, me dit-elle, cessez d’être étonné de ce que je fais pour vous ; la fierté a peu d’empire sur des femmes renfermées ; nous suivons sans résistance les mouvements de notre cœur : vous êtes aimable, vous m’avez plu ; cela suffit pour mériter mes bontés. »

Nous passâmes presque toute la nuit à nous promener et à nous entretenir, et le jour nous aurait sans doute surpris dans les jardins, si Calé-Cairi, qui était avec nous, n’eût pris soin de nous avertir qu’il était temps de nous séparer ; mais avant que je quittasse Zélica, cette princesse me dit : « Adieu, Hassan, pensez toujours à moi ; nous nous reverrons encore, et je promets de vous faire bientôt connaître jusqu’à quel point vous m’êtes cher. » Je me jetai à ses pieds pour la remercier d’une promesse si flatteuse, après quoi Calé-Cairi me fit faire les mêmes détours que j’avais faits la piemière fois, et me mit hors l’enceinte du sérail.