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LES MILLE ET UN JOURS

tant d’amour, car, de mon côté, je l’avouerai, je n’ai pu me défendre de prendre de l’amitié pour vous. Votre jeunesse, votre bonne mine, votre esprit vif et brillant, et plus que tout cela peut-être, la préférence que vous m’avez donnée sur de fort jolies personnes, vous a rendu aimable à mes yeux ; la démarche que je fais vous le prouve assez ; mais hélas ! mon cher Hassan, ajouta-t-elle en soupirant, je ne sais si je dois m’applaudir de ma conquête, ou si je ne dois pas plutôt la regarder comme une chose qui va faire le malheur de ma vie.

— Hé ! madame, lui répondis-je, pourquoi, au milieu des transports que votre présence me cause, écoutez-vous un noir pressentiment ? — Ce n’est pas, reprit-elle, une crainte insensée qui vient en ce moment troubler nos plaisirs ; mes larmes ne sont que trop bien fondées, et vous ne savez pas ce qui fait ma peine : la princesse Zélica vous aime, et, s’affranchisant bientôt du joug superbe auquel elle est liée, elle doit vous annoncer votre bonheur. Quand elle vou avouera que vous avez su lui plaire, comment recevrez-vous un aveu si glorieux ? L’amour que vous avez pour moi tiendra-t-il contre l’honneur d’avoir pour maîtresse la première princesse du monde ? — Oui, charmante Calé-Cairi, interrompis-je en cet endroit, vous l’emporterez sur Zélica. Plût au ciel que vous puissiez avoir une rivale encore plus redoutable, vous verriez que rien ne peut ébranler la constance d’un cœur qui vous est asservi ; quand Schah-Tahmaspe n’aurait point de fils pour lui succéder, quand il se dépouillerait du royaume de Perse pour le donner à son gendre, et qu’il dépendit de moi de l’être, je vous sacrifierais une si haute fortune. — Ah ! malheureux Hassan, s’écria la dame, où vous porte votre amour ?