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CONTES ORIENTAUX

Quoique j’eusse soupçonné Calé-Cairi d’avoir pris du goût pour moi, je ne m’attendais point à recevoir cette lettre. Enivré de ma bonne fortune, je demandai à l’oda-bachi la permission d’aller voir un derviche de mon pays, fraîchement arrivé de la Mecque ; ce qui m’ayant été accordé, je courus, je volai dans les jardins du sérail, dès que la nuit fut venue. Si la première fois je m’étais laissé surprendre par le temps, en récompense il me parut bien long dans l’attente des plaisirs que je me promettais alors ; je crus que l’heure de la retraite ne viendrait jamais. Elle vint pourtant, j’aperçus peu de temps après une dame que je reconnus à sa taille et à son air pour Calé-Cairi.

Je m’approchai d’elle tout transporté de plaisir et de joie, et, me prosternant à ses pieds, je demeurai le visage contre terre, sans pouvoir dire une parole, tant j’étais hors de moi-même. « Levez-vous, Hassan, me dit-elle, je veux savoir si vous m’aimez ; pour me le persuader, il me faut d’autres preuves que ce silence tendre et passionné. Parlez-moi sans déguisement : est-il possible que vous m’ayez trouvée plus belle que toutes mes compagnes, et que la princesse Zélica même ? croirai-je qu’en effet vos yeux me sont plus favorables qu’à elle ? — N’en doutez pas, lui répondis-je, trop aimable Calé-Cairi ; lorsque la princesse et ses femmes forcèrent ma bouche à prononcer entre vous et elles, il y avait déjà longtemps que mon cœur s’était déclaré pour vous. Depuis cette heureuse nuit, je n’ai pu me distraire un moment de votre image, et vous auriez toujours été présente à mon esprit, quand vous n’auriez jamais eu de bonté pour moi.

— Je suis ravie, reprit-elle, de vous avoir inspiré