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CONTES ORIENTAUX

de dépit. « Sont ce là des femmes ? » dis-je en moi-même. Zélica, au lieu de me laisser voir que ma franchise l’eût offensée, me dit : « Je suis bien aise, Hassan, que vous ayez donné la préférence à Calé-Cairi ; c’est ma favorite, et cela prouve que vous n’avez pas le goût mauvais. Vous ne connaissez pas tout le prix de la personne que vous avez choisie ; telles que vous nous voyez, nous sommes toutes d’assez bonne foi pour avouer que nous ne la valons pas. » La princesse et les esclaves plaisantèrent ensuite Calé-Cairi sur le triomphe que venaient de remporter ses charmes, ce qu’elle soutint avec beaucoup d’esprit. Après cela, Zélica fit apporter un luth et, le mettant entre les mains de Calé-Cairi : « Montrez à votre amant, lui dit-elle, ce que vous savez faire. » L’esclave favorite accorda le luth, et en joua d’une manière qui me ravit ; elle l’accompagna de sa voix, et chanta une chanson dont le sens était que : lorsqu’on a fait choix d’un objet aimable, il faut l’aimer toute sa vie. En chantant, elle tournait de temps en temps vers moi les yeux si tendrement, qu’oubliant devant qui j’étais, je me jetai à ses pieds, transporté d’amour et de plaisir. Mon action donna lieu à de nouveaux éclats de rire, qui durèrent jusqu’à ce qu’une vieille esclave vînt avertir que le jour allait bientôt paraître, et que si l’on voulait me faire sortir de l’appartement des femmes, il n’y avait point de temps à perdre.

Alors Zélica, de même que ses femmes, ne songeant plus qu’à se reposer, me dit de suivre la vieille esclave, qui me mena dans plusieurs galeries, et par mille détours me fit arriver à une porte dont elle avait la clef : elle l’ouvrit, je sortis, et je m’aperçus dès qu’il fut jour que j’étais hors l’enceinte du palais.