Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
LES MILLE ET UN JOURS

l’atemadolet[1] n’en ferait pas davantage. Hé ! croyez-moi, n’ayez point d’inquiétude aujourd’hui de ce qui doit vous arriver demain, vous ne le savez pas ; le ciel s’en est réservé la connaissance, et vous a déjà peut-être préparé une voie pour sortir d’embarras ; laissez-donc là l’avenir, et ne soyez occupé que du présent. Si vous saviez qui je suis et tout l’honneur que vous fait cette aventure, au lieu d’empoisonner des moments si doux par des réflexions amères, vous vous estimeriez le plus heureux des hommes.

Enfin la dame, à force de m’agacer, dissipa la crainte qui m’agitait. L’image du châtiment qui me menaçait s’effaça insensiblement de mon esprit, et me livrant tout entier aux flatteuses espérances qu’on me laissait concevoir, je ne songeai plus qu’à profiter de l’occasion. J’embrassai la dame avec transport ; mais bien loin de se prêter à mes caresses, elle fit un cri en me repoussant très rudement, et aussitôt je vis paraître dix ou douze femmes qui s’étaient cachées pour entendre notre conversation.

LVII

« Il ne me fut pas difficile alors de m’apercevoir que la personne qui venait de me donner si beau jeu s’était moquée de moi. Je jugeai que c’était quelque esclave de la princesse de Perse qui, pour se divertir, avait voulu faire l’aventurière ; toutes les autres femmes accoururent promptement à son secours en éclatant de rire, et la trouvèrent un peu

  1. Grand-vizir de Perse.