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CONTES ORIENTAUX

détour d’une allée, se présenta tout à coup devant moi. Elle avait un port majestueux, et, malgré l’obscurité de la nuit, je remarquai qu’elle avait de la jeunesse et de la beauté.

« Vous allez bien vite, me dit-elle ; qui peut vous obliger à courir ainsi ? — J’ai mes raisons, lui répondis-je ; si vous êtes de ce palais, comme je n’en doute pas, vous ne pouvez les ignorer ? Vous savez qu’il est défendu aux hommes de se trouver dans ces jardins après une certaine heure, et qu’il y va de la vie de contrevenir à cette défense. — Vous vous avisez un peu tard de vous retirer, reprit la dame, l’heure est passée ; mais vous en devez savoir bon gré à votre étoile, car, sans cela vous ne m’auriez pas rencontrée. — Que je suis malheureux, m’écriai-je, sans faire attention à autre chose qu’au nouveau danger où je voyais mes jours : pourquoi faut-il que je me sois laissé surprendre par le temps ? — Ne vous affligez pas, dit la dame, votre affliction m’outrage : ne devriez-vous pas déjà être consolé de votre malheur ? Regardez-moi ; je ne suis point mal faite ; je n’ai que dix-huit ans, et, pour le visage, je me flatte de ne pas l’avoir désagréable. — Belle dame, quoique la nuit dérobe à mes yeux une partie de vos charmes, j’en découvre plus qu’il n’en faut pour m’enchanter ; mais entrez dans ma situation, et convenez qu’elle est un peu triste. — Il est vrai, répliqua-t-elle, que le péril où vous êtes ne présente pas à l’esprit des idées bien riantes ; votre perte pourtant n’est peut-être pas si assurée que vous l’imaginez ; le roi est un bon prince qui pourra vous pardonner. Qui êtes-vous ? — Madame, lui repartis-je, je suis casodali. — Ah ! vraiment, interrompit-elle, pour un page, vous faites bien des réflexions ;