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CONTES ORIENTAUX

me regarder comme un homme qui n’avait pas peu de grâces à rendre au ciel ; mais j’étais dans une situation à ne lui pas tenir grand compte de m’avoir conservé : sans argent, sans amis, sans crédit, je me voyais réduit à subsister de charité ou à me laisser mourir de faim. Je sortis d’Ormus sans savoir ce que je deviendrais, et marchai vers la prairie de Lar, qui est entre les montagnes et la mer du golfe Persique. En y arrivant, je rencontrai une caravane de marchands de l’Indoustan, qui en décampait pour prendre le chemin de Chiras ; je me joignis à ces marchands, et, par les petits services que je leur rendis, je trouvai moyen de subsister ; j’allai avec eux à Chiras, où je m’arrêtai. Le roi Schah-Tahmaspe tenait sa cour dans cette ville.

Un jour, comme je revenais de la grande mosquée, au caravansérail où j’étais logé, j’aperçus un officier du roi de Perse ; il était vêtu de riches habits et parfaitement bien fait ; il me regarda fort attentivement, il m’aborda, et me dit : « Ô jeune homme, de quel pays es-tu ? Je vois bien que tu es étranger, et je ne crois pas que tu sois, dans la prospérité. » Je répondis que j’étais de Bagdad, et qu’à l’égard de sa conjecture, elle n’était que trop véritable ; ensuite je lui racontai mon histoire assez succinctement : il parut l’écouter avec attention et se montra sensible à mon malheur. « Quel âge as-tu ? me dit-il. — Je suis, repartis-je, dans ma dix-neuvième année. » Il m’ordonna de le suivre ; il marcha devant moi, et prit le chemin du palais du roi, où j’entrai avec lui. Il me mena dans un fort bel appartement, où il me dit : « Comment te nommes-tu ? » Je lui répondis que je m’appelais