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LES MILLE ET UN JOURS

pour une marque d’effronterie ; il ordonna sur-le-champ à ses asas[1] de me conduire en prison ; de sorte que, pendant qu’on me chargeait de fers, mes associés s’en retournèrent triomphants et bien persuadés que j’aurais besoin d’un nouveau miracle pour me tirer des mains du cadi.

LVI

« Je n’en serais pas, en effet, sorti peut-être aussi heureusement que du golfe, sans un incident qui survint, et qui était encore un effet visible de la bonté du ciel. Les paysans qui m’avaient amené à Ormus apprirent par hasard qu’on m’avait emprisonné. Touchés de compassion, ils allèrent trouver le cadi ; ils lui dirent comment ils m’avaient rencontré, et lui firent un détail de tout ce que je leur avais conté dans la montagne. Le juge, sur leur rapport, ouvrit les yeux, se repentit de n’avoir pas voulu m’entendre et résolut d’approfondir l’affaire. Il envoya chercher les deux marchands au caravansérail, mais ils n’y étaient plus ; ils avaient déjà regagné leur vaisseau et pris le large ; car, malgré la prévention du juge, je ne laissais pas de leur causer de l’inquiétude. Une si prompte fuite acheva de persuader au cadi, que j’étais en prison injustement ; il me fit mettre en liberté, et voilà quelle fut la fin de la société que j’avais faite avec ces deux honnêtes joailliers.

Échappé de la mer et de la justice, j’aurais dû

  1. Archers.