Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
CONTES ORIENTAUX

toutes mes pierreries, je ne veux plus être en société avec de si méchants hommes. » À ce discours, qui devait les confondre, ils eurent l’impudence de me faire cette réponse : « Ô voleur ! ô scélérat ! qui es-tu et d’où viens-tu ? Quelles pierreries, quels effets avons-nous qui t’appartiennent ? » En parlant ainsi, ils me donnèrent plusieurs coups de bâton, et comme je les menaçais de m’aller plaindre au cadi, ils me prévinrent et se rendirent chez ce juge ; ils lui firent de profondes révérences, et, après lui avoir présenté quelques pierreries qu’ils avaient sur eux, et qui peut-être étaient à moi, ils lui dirent : « Ô flambeau de l’équité, lumière qui dissipez les ténèbres de la mauvaise foi, nous avons recours à vous : nous sommes de faibles étrangers, nous venons du bout du monde trafiquer ici ; est-il juste qu’un voleur nous insulte et permettrez-vous qu’il nous enlève, par une imposture, ce que nous n’avons acquis qu’après mille travaux et au péril de nos vies ? — Qui est l’homme dont vous vous plaignez ? leur dit le cadi. — Monseigneur, lui répondirent-ils, nous ne le connaissons point ; nous ne l’avons jamais vu. » J’arrivai chez le juge dans ce moment-là ; ils s’écrièrent, dès qu’ils m’aperçurent : « Le voilà, monseigneur, ce misérable, ce voleur insigne, qui même est assez hardi pour venir jusque dans votre palais s’exposer à vos regards, qui doivent épouvanter les coupables. Grand juge, daignez nous protéger. »

Je m’approchai du cadi pour parler à mon tour, mais n’ayant point de présents à lui offrir, il me fut impossible de me faire écouter. L’air ferme et tranquille que me donnait le témoignage de ma conscience, passa même dans son esprit prévenu